collections du musée des beaux-arts de dijon

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Dame à sa toilette

Tableau
fin 16e siècle
Auteur : Anonyme de l'Ecole de Fontainebleau

Peinture à l'huile sur toile
Hauteur : 105 cm ; Largeur : 76 cm
Inv. CA 118

"La Dame à sa toilette" satisfait à tous les critères de beauté de l'école de Fontainebleau : corps généreux à la taille peu marquée et la poitrine haute, visage aux traits réguliers, au nez droit à la bouche petite et aux sourcils fins, peau éclatante, cheveux blonds d'un éclat doré, yeux sombres. Coiffée de perles, à peine vêtue d'un voile transparent retenu par une collerette brodée d'or, elle se pare, tandis que, derrière elle, sa servante cherche des vêtements dans un coffre. Son buste presque frontal émerge curieusement derrière une tablette sur laquelle sont disposés le coussin sur lequel la dame appuie son bras, un peigne, une boite à bijoux, des fleurs et un somptueux miroir porté par des statuettes sans bras. Le regard lointain, la dame porte à sa poitrine une main gauche qui joue avec le pendentif de son collier, tandis que sa main droite tient une bague d'un geste précieux. Au mépris de toute vraisemblance, son profil se reflète dans le miroir.
C'est sous le numéro 17 de l'inventaire des "objets scientifiques et monuments d'art" saisis le 13 novembre 1792 chez Bénigne Legouz que l'on trouve décrite une "femme nue à sa toilette avec plusieurs accessoires qui y sont analogues". Malheureusement, les informations connues sur la famille Legouz ne permettent pas de remonter plus haut l'histoire de ce tableau exceptionnel et de préciser les circonstances de son entrée dans cette collection, certainement l'un des plus importantes en quantité et en qualité du Dijon de la fin du XVIIIe siècle après celle de Jehannin de Chamblanc.
Arrivé sans attribution et sans identification au musée, le tableau est donné à partir de 1834 à Frans Floris. Son appartenance à l'école de Fontainebleau est pleinement reconnue depuis le milieu de notre siècle. D'autres peintures françaises de la seconde moitié du XVIe siècle peuvent être regroupées autour ce tableau, pour avoir en commun la représentation d'une femme nue en buste et un arrière plan ou s'affaire une servante : une "Dame à sa toilette", à Worcester ( États-Unis), dont la composition générale est la même que celle de notre tableau et qui n'en diffère que par le traitement des détails ; et une autre "Dame à sa toilette" d'allure beaucoup moins aristocratique due à un artiste moins habile, à Bâle.
On ne sera pas surpris, dans le climat de la Renaissance française, de trouver les antécédents de la composition en Italie, où ont été peintes nombre de beautés nues ou au bain, sous les noms de Vénus, Diane ou Flore : "La Vénus d'Urbin" du Titien, peinte en 1538, propose cette même juxtaposition d'un corps féminin dénudé et de l'affairement de servantes cherchant des vêtements dans un coffre, mais dans un format horizontal. Plus proches des "Dames à la toilette", il existe aussi des représentations de femmes nues et en buste. Léonard de Vinci aurait réalisé une version nue de la "Joconde", vers 1514, Raphaël a peint la "Fornarina" vers 1518. Jules Romain a traité le thème de la dame nue se parant de bijoux devant son miroir, dans un tableau du musée Pouchkine de Moscou.
Les artistes bellifontains et leurs continuateurs jusqu'à la fin du XVIe siècle se sont inspirés de ces modèles : les nus féminins se justifient souvent du prétexte mythologique, mais s'en passent parfois délibérément. L'indiscutable charge érotique de ces nus généreux est renforcée dans les tableaux où le buste de la femme émerge d'une baignoire, dont le prototype est la "Dame au bain" par François Clouet à la National Gallery de Washington. Dès ce tableau, où on a souvent voulu voir un portrait de Diane de Poitiers, ou dans un deuxième temps, avec le double portrait de Gabrielle d'Estrée et d'une de ses soeurs du musée du Louvre, la question du portrait est posée. On a voulu expliquer ces représentations de maîtresses royales, si incongrues dans leurs baignoires, comme des allégories politiques, voire des satires des moeurs de nos rois et des ambitions de leurs favorites. De nombreuses versions plus tardives de ces dames au bain attestent la faveur et la persistance de cette interprétation. En 1834, la "Dame à la toilette" de Dijon passait aussi pour être «  le portrait de la belle Gabrielle » et on a encore avancé le nom de Diane de Poitiers. La "Dame à la toilette" de Worcester a connu les mêmes identifications. Ils 'agit toutefois là d'une relecture anachronique.
Avec leurs regards lointains, ces dames sont moins des portraits que des représentations allégoriques. Leur beauté, leur nudité, les fleurs, les bijoux, le miroir semblent en effet autoriser une lecture symbolique qui nous oriente vers la célébration du désir amoureux. La bague ostensiblement désignée par le mouvement précieux de la main, dans un geste qui semble dériver de la tradition médiévale de la présentation de l'anneau d'investiture princière, est un symbole d'union.
Ces oeuvres probablement créées hors de Fontainebleau, surtout à Paris, constituent une floraison excentrique et tardive de l'art de la cour, dans un climat d'échanges avec les maitres nordiques alors nombreux en France. La persistance des intentions symboliques, voire moralisatrices dans les "Dames à la toilette", est encore un écho de l'art de Fontainebleau où l'érotisme s'exprime le plus souvent sous le couvert de la mythologie ou de la fable.

(Notice de Sophie Jugie extraite du catalogue de l'exposition "L'Art des collections. Bicentenaire du Musée des Beaux-Arts de Dijon", Dijon, Musée des Beaux-Arts, (16 juin - 9 octobre 2000)

Historique : Collection Bénigne Legouz

Saisie révolutionnaire, collection Legouz à Dijon, 1792

Bibliographie :

Exposition : © photo François Jay

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