collections du musée des beaux-arts de dijon

résultats de recherche

ajouter au panier voir le panier


Triomphe de la Vierge dans le ciel

Tableau
1617
Auteur : Tassel, Richard

Peinture à l'huile sur toile
Hauteur : 197 cm ; Largeur : 143,5 cm
Inv. CA 467

Entré dans les collections du musée des Beaux-Arts de Dijon en 1799, le tableau provient de l'ancien Collège des Jésuites de Dijon, dit des Godrans. Décrit succinctement dans un inventaire anonyme du Collège de 1792 environ et considéré comme un exemple typique des productions provinciales, tributaires des compositions maniéristes, il soulève des questions historiques, stylistiques et iconographiques.
Sa destination peut être établie, à nos yeux, grâce au procès-verbal de saisie des biens du Collège établi en 1763 après l'expulsion des jésuites, permettant de dresser une liste des tableaux situés alors dans leur église. Ainsi, le groupe principal figuré au registre inférieur de la toile doit être mis en rapport avec une des chapelles latérales, désignée comme "chapelle des martyres", dont le tableau d'autel, inséré dans un retable (perdu) d'ordre composite, figurait "la Reine des Martyrs" et dont la voûte était "peinte en figures et ornements".
Il s'agit certainement de la seconde chapelle latérale sud de l'église, dont la voûte a conservé son décor peint, daté de 1624, avec ouvertures feintes entourées de rinceaux, dans lesquelles volent des angelots tenant des palmes, des branches de rosier, des couronnes de laurier ou d'olivier, d'un style analogue au projet de fresques élaboré en 1648 par Jean Tassel, fils de Richard, pour les voûtes de l'église des Ursulines à Dijon.
Ces motifs végétaux sont précisément les attributs des angelots qui, sur le "Triomphe de la Vierge dans le ciel", assurent la transition entre le groupe principal et le registre supérieur. Les quatre figures ailées les plus proches de l'orbe lumineux qui entoure la tête de Marie ont la même morphologie, les mêmes effets de carnation, les mêmes visages poupins à nez épaté entourés de boucles blondes et les mêmes types de linge que sur la voûte. De surcroît, le format du tableau de Richard Tassel s'accorde aux dimensions de la chapelle en question et l'absence de cadre s'expliquerait par son emplacement initial au milieu d'un retable.
Ce "Triomphe de la Vierge dans le ciel", très construit, dérive, dans sa partie supérieure, de "La Dispute du Saint-Sacrement" de Raphaël dans la chambre de la Signature au palais du Vatican. Le groupe de la Trinité et ceux des anges porteurs des instruments de la Passion rappellent passablement le triptyque de Nicolas de Hoey daté de 1592 et conservé à Vitteaux (Côte d'Or), avec ici une nette différenciation entre le Père et le Fils. Les valeurs chromatiques répondent à un double contraste, entre le gris des nuages ou du fond et les effets de rayonnement lumineux d'une part, entre le rouge et le bleu répétés sur les tenues des personnages, d'autre part.
L'originalité essentielle de l'oeuvre réside dans la place accordée à Marie, seule femme du tableau et seule figure dépourvue d'attribut. Son axialité est soulignée par le cercle des martyrs qui l'entoure presque complètement. La simplicité de sa tenue s'oppose aux brocards chargés des saints qui ferment l'avant-plan. La jeunesse de son visage témoigne de sa virginité ; son léger sourire exprime une joie toute intérieure ; sa chevelure sans apprêts, en partie dénouée sur les épaules, sa tête tournée de trois-quarts et inclinée vers le bas, paupières closes, lui confèrent une grâce naturelle.
Marie étend la main gauche, paume tournée vers le bas, dans le geste d'imposition sacramentelle au-dessus des martyrs du premier plan, campés dans des postures qui expriment leur propre vénération à son égard ; elle lève sa main droite, paume tournée vers le ciel, dans le geste rituel d'action de grâces. Le peintre offre là une version renouvelée de la Vierge de Miséricorde, d'une "virgo mediatrix". Elle est donc bien la reine des Confesseurs comme le document de 1763 la désigne - accordant ses suffrages aux grands témoins de la foi victimes des persécutions anti-chrétiennes.
Mais la couronne, l'auréole ou le disque des figurations courantes de la Vierge, sont ici remplacés par un orbe rayonnant, qui n'éclaire pas les nuages environnants mais transfigure son visage, baigné par la même luminosité - signes d'une élection personnelle. Son emplacement à l'intersection des médianes en fait le point focal du tableau, que le cercle des martyrs et celui des apôtres viennent joindre par tangence. Ces derniers désignent l'action, la contemplent ou méditent sur elle, prenant les personnes de la Trinité à témoin. Or la lumière divine a exactement la même tonalité derrière la colombe de l'Esprit saint que l'orbe marial. Ainsi se trouve magnifiée l'unique femme ayant pris part à la Pentecôte, selon les Actes des Apôtres - investie d'une mission spécifique et tenue à cause de cela pour la reine ou la mère de l'Eglise dans le monde catholique.
Ce sont ses qualités propres que célèbrent, enfin, les attributs végétaux tenus par les angelots du registre médian et des voûtes de la chapelle de l'église des Godrans. Selon l'"Iconologie" de Cesare Ripa, auquel Richard Tassel se réfère directement dans le décor de la Chambre dorée du palais de justice de Dijon en 1619, le laurier est associé à la Vertu, l'olivier à la Miséricorde et la palme à la Vérité ou à l'Humilité, tandis que la rose est bien sûr le symbole de l'Amour sacré ("Caritas") et de la Pureté.
Ainsi se justifie pleinement le titre de l'oeuvre, dont les visées glorificatrices s'émancipent de l'iconographie traditionnelle en s'appuyant sur une relecture de l'ultime mention scripturaire de Marie pour accréditer sa prééminence dans la communion des saints. Cette démarche s'apparente à celle qui privilégie la contemplation des mystères de la Passion, relatés à la fin des Evangiles, pour méditer sur la personne du Christ, selon les "Exercices spirituels" de saint Ignace de Loyola, représenté justement par Richard Tassel à l'arrière-plan de son tableau.

(Notice d'Henri-Stéphane Gulczynski extraite de "L'Art des collections. Bicentenaire du Musée des Beaux-Arts de Dijon", Dijon : Musée des Beaux-Arts, (16 juin - 9 octobre 2000)

Historique : Collection Dijon, Collège des Godrans, église

Saisie révolutionnaire, Collège des Godrans à Dijon

Inscriptions / marques :

Bibliographie :

Exposition : © photo François Jay

powered by Mobydoc