collections du musée des beaux-arts de dijon

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Claude Bretagne, conseiller au Parlement de Bourgogne et ses fils, gendres et petis-fils (face)

Saint Claude (revers)

Élément de triptyque
1607
Auteur : Hoey, Nicolas de


Peinture sur bois
Hauteur : 182,5 cm ; Largeur : 77,5 cm
Inv. D 98 A

Un double témoignage de l'époque révolutionnaire, celui de l'érudit Jean-Baptiste Baudot, puis, un peu plus tard, de François Devosge, fondateur de l'Ecole de Dessin de Dijon, signale un tableau fermé par deux volets peints sur le maître-autel de l'église de la Madeleine, ancienne commanderie de Malte dans cette ville.
Jean-Baptiste Baudot prononce le nom de la famille Bretagne à propos des personnages représentés sur les panneaux latéraux, et François Devosge décrit la partie centrale du triptyque, une "Adoration des bergers" aujourd'hui disparue.Il y dénombre vingt-sept figures, dont "une femme à genoux tenant un faisan lequel allonge le col pour regarder un chien couché". De la mention d'une lumière, tenue par une autre femme, " qui éclaire tout le tableau", on peut déduire que Nicolas de Hoey s'était livré là à des recherches luministes. Devosge a inscrit la précision : "vendu" en marge de la mention de chaque partie du triptyque.
On identifie, sur le prie-Dieu du panneau de gauche, les armoiries des Bretagne, " d'azur à une fasce ondée d'or, accompagnée de trois grelots en chef et d'un croissant d'argent en pointe". Selon Georges Blondeau, ces grelots d'or ou " grillots", font allusion à la profession initiale de la famille, dont l'auteur commun portait le surnom de "Grillot". Issus d'artisans et de marchands de Saulieu, les Bretagne accèdent, à la fin du XVIe siècle et au XVIIe siècle, aux plus hautes fonctions parlementaires.
Au revers du panneau, la présence de saint Claude nous renseigne sur l'identite du personnage représenté, Claude Bretagne. Sur le panneau jumeau, le tapis qui couvre le prie-Dieu s'orne d'un écusson en losange, parti au premier de Bretagne et au second de Barjot : " d'azur au griffon d'or, le franc canton rempli d'une étoile de même". Au revers Saint Denis porte sa tête dans ses mains. Aussi peut-on identifier la donatrice, Denise Barjot.
Claude Bretagne est né à Saulieu en 1523. Son père meurt alors qu'il est âgé de 14 ans et son oncle et tuteur, Jacques Bretagne, vierg d'Autun, l'envoie à Toulouse afin qu'il y poursuive des études de droit à l'Université. Muni de son titre de docteur en droit, Claude revient à Dijon en 1547, se fait inscrire deux ans plus tard au barreau de la ville, et en 1554 épouse Denise Barjot dont il aura huit enfants, quatre fils et quatre filles.
L'année suivante, Claude Bretagne achète une charge de conseiller clerc au Parlement de Dijon, et sa réputation de juriste lui vaut bientôt d'être compté au nombre des cinq jurisconsultes choisis par le roi Charles IX pour procéder à la refonte des ordonnances et coutumes de la province en 1562.
C'est l'époque où les querelles religieuses s'enveniment. Claude Bretagne, maintenant conseiller doyen, fait ouvertement preuve de libéralisme au Parlement. Bien que de tendance royaliste, il doit cacher ses sentiments lorsque s'affrontent ligueurs et partisans du roi. La Bourgogne est alors gouvernée par le duc de Mayenne, propre frère du duc et du cardinal de Guise assassinés en 1588, et le maire de Dijon appartient à la Ligue. Le Parlement fait scission, ses membres royalistes émigrent à Flavigny, et le conseiller Bretagne, un temps demeuré à Dijon, se rend bientôt suspect et doit quitter la ville en cachette dans la voiture d'une dame. L'année suivante, en 1595, il est reçu au logis du roi par Henri IV vainqueur, avec les magistrats qui ont fait preuve de fidélité envers la royauté.
Le conseiller meurt en 1604, trois ans avant la date du triptyque, aussi le peintre a-t-il exécuté un portrait fictif, à moins qu'il n'ait disposé d'une effigie ancienne. Ses quatres fils entourent le doyen.L'aîné, agenouillé sur un carreau de velours, porte une robe noire. Selon Georges Blondeau il s'agirait de Guy Bretagne, avocat au Parlement. Mais le Père J.Doucet ( communication écrite, 13 mai 1953) l'identifie plutôt comme François Bretagne, avocat au conseil privé du roi, mentionné en tête des enfants dans une transaction du 16 avril 1605.
Les trois autres fils, tous conseillers, portent comme leur père la robe rouge à simarre noire, et une fraise, sauf le plus jeune, Claude, qui a adopté un col à pointes.
Le second des fils, sans doute Jules, conseiller au Parlement en 1586, prend le parti de la dissidence et s'exile à Flavigny. Puis, après avoir résigné ses fonctions de conseiller en 1608, il abjure la foi catholique.
Selon toute vraisemblance le troisième fils de Claude Bretagne est Antoine, avocat au Parlement, qui avait été compromis avec son père en 1594 et avait dû se déguiser pour s'enfuir. Antoine devait accéder plus tard à la première présidence du Parlement de Metz, puis de Bourgogne. Claude, enfin, le quatrième fils du doyen, est nommé conseiller en 1602, avant de devenir conseiller d'Etat en 1639.
Deux des gendres de Claude Bretagne, en robe noire, se tiennent debout derrière lui, probablement les maris de ses deux filles aînées, François Boyvault et Isaac Fournier, l'un et l'autre avocats. Curieusement ses deux autres gendres ne figurent pas sur le tableau, tandis qu'y sont représentés deux adolescents aux traits encore non affirmés.
Le décor tient ici peu de place. Il se résume au marbre des colonnes, devinées à l'arrière-plan et au pavage de deux couleurs. Nicolas de Hoey fait grand usage de ces sols carrelés utiles pour suggérer un effet de profondeur. L'intérêt se concentre sur la succession de personnages diposés sur deux rangs, à la manière des portraits collectifs nordiques. Pour en atténuer la monotonie, le peintre varie le mouvement des mains et la position des visages, tantôt de profil, plus souvent de trois-quarts, toujours fortement individualisés et dotés d'une distinction aristocratique propre à Nicolas. Le blanc léger des fraises et des cols opposé aux lourdes matières des robes rouges et noires confère à ces portraits une certaine qualité tactile.
Au revers, la statue de saint Claude, debout sur un socle, sous une niche arrondie, joint la monumentalité à la schématisation des drapés. La niche, ainsi que la mitre et la crosse épiscopales, sont coupées à la partie supérieure, attestant une hauteur initiale plus importante du panneau.
Sur le volet de droite Nicolas a peint la donatrice, Denise Barjot, qui commande le triptyque en 1607 à la mémoire de son mari défunt, pour orner l'autel de la chapelle des Bretagne en l'église de la Madeleine où se trouve la sépulture du conseiller doyen. Ses quatre filles l'accompagnent : Denise, l'aînée, épouse de François Boyvault, agenouillée sur un coussin ; Jeanne, la seconde, femme d'Isaac Fournier ; Marthe, la troisième, qui se marie en 1600 avec le président Lenet, et la plus jeune, Claudine, qui, lors de l'exil du Parlement avait rejoint à Flavigny son époux le conseiller Jacques Bossuet, grand-père du célèbre prélat.
A travers ces portraits d'apparat s'affirme le rang de la famille représentée, d'ailleurs annoncé d'emblée par le blason armorié. Aucun artifice n'altère la vérité des visages. Nicolas cette fois peut décrire sans convention les traits flétris de la donatrice, sans doute très âgée, son nez tombant, et jusqu'à sa verrue ; il n'épargne ni le menton fuyant de son aînée, ni les yeux globuleux d'une autre de ses filles. Mais cette observation sévèrement réaliste n'exclut pas une certaine noblesse, et il émane de ces effigies une dignité austère, un peu hautaine, peut-être mêlée à un sentiment de ferveur.
Denise Barjot porte encore la fraise tuyautée et l'attifet recouvert du voile de veuve du temps de Catherine de Médicis. Ses filles préfèrent un large col de lingerie fine, en éventail, rehaussé de précieuses dentelles italiennes. Pendentifs, torsades de perles et colliers enrichissent la robe des plus jeunes. Les corselets s'achèvent en pointe sur les amples jupes de lourd tissu damassé et les cheveux sont relevés sur un arcelet.
Les deux panneaux ont été légitimement attribués à Nicolas de Hoey par Pierre Quarré en raison des ressemblances des portraits masculins avec les apôtres du triptyque de Vitteaux (n°39), signé par l'artiste.
Au revers, saint Denis a la vigueur et la simplicité d'une sculpture sur bois .On reconnaît le même traitement synthétique au verso de deux panneaux de l'église de Selongey, en Côte d'Or, dont les grisailles sont consacrées au "Sacre de saint Rémi" et au "Baptême de Clovis".
François Devosge plaçait le triptyque des Bretagne "au second rang des progrès de l'art en France", aussi n'a-t-il pas jugé opportun de les conserver pour le Musée, où le caprice du sort a cependant fait entrer les deux volets. Ils permettent d'apprécier chez Nicolas de Hoey l'art du portraitiste vanté par son ami l'écrivain Etienne Tabourot.

(Notice de Marguerite Guillaume extraite du catalogue de l'exposition "La peinture en Bourgogne au XVIe siècle", Dijon, Musée des Beaux-Arts, 1990)

Historique : Collection Dijon, église de la Madeleine ; Collection Pierre-Jean-Baptiste-Henri Pichot-L'Amabilais ; Collection Marie-Henriette Dard

Legs Marie-Henriette Dard, 1916

Oeuvres en lien :

D 98 B Denise Barjot, femme du conseiller au Parlement de

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Exposition : © photo François Jay

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