collections du musée des beaux-arts de dijon

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Saint Luc peignant la Vierge

Tableau
1603
Auteur : Hoey, Nicolas de

Peinture à l'huile sur bois transposé sur toile
Hauteur : 129 cm ; Largeur : 174 cm
Inv. D 1962-1-P

En 1968, Pierre Quarré a suggéré que ce tableau aurait pu être exécuté pour la chapelle des peintres, à l'église des Jacobins de Dijon. Le sujet à coup sûr, et certains détails, comme les armoiries de cette corporation, «d'azur à une fleur de lys d'or accompagnée de trois écussons d'argent, deux en chef et un en pointe», inclus dans la verrière du fond, ou bien encore le caractère gratuit de l'oeuvre offerte par l'artiste, comme le précise l'inscription de sa signature, accréditent l'hypothèse. Il n'est toutefois pas question de cette peinture dans les notes prises aux Jacobins, en 1789, par l'érudit dijonnais Louis-Bénigne Baudot, qui cite en revanche le "Saint Luc peignant la Vierge" de Lebault. D'après les traces de charnières sur le cadre, on serait tenté de considérer la peinture comme la partie centrale d'un triptyque. L'artiste s'est essayé ici à une composition élaborée, divisée en deux groupes encadrant une scène à l'arrière-plan, comme la "Mort de la Vierge" de 1588, à l'église Saint-Michel de Dijon. Nicolas de Hoey conserve le motif du dallage en perspective, encore présent dans les volets Bretagne en 1607, dans le but d'accuser la profondeur du tableau. Le couteau posé, pointe en avant sur le bord du chevalet, relève de la même intention.
Le parti qu'adopte l'artiste tient à la fois des compositions maniéristes, où le regard suit un cheminement élaboré, et du principe de symétrie, avant-coureur du classicisme. L'oeil du spectateur suit un double circuit. Le premier va de la présence souveraine de la Vierge et de l'Enfant à leur image sur le tableau, qui témoigne du pouvoir de l'artiste : non seulement saint Luc a le don de fixer l'effigie divine, mais encore d'intervenir en modifiant le geste de Jésus, qui, sur la peinture, bénit le spectateur. L'étagère chargée de livres et d'un flacon, fait, au passage allusion à la science médicale traditionnellement attribuée à l'évangéliste, et que rappelle l'inscription sur le cadre. Au tableau du premier plan fait écho, au fond, un paysage en cours d'exécution, peut-être pour signifier la puissance d'évocation de l'art, face à la fenêtre restée close au lieu de permettre l'évasion. A l'arrière-plan, la présence de l'atelier implique l'ascendant du maître sur ses aides occupés à des taches secondaires. Même son compagnon le plus qualifié n'exécute pas qu'un paysage, genre moins noble que celui de la peinture sacrée.
Un circuit en sens inverse conduit du broyeur de couleurs aux dessinateurs «d'après la bosse» et au peintre de chevalet, jusqu'au maitre peintre en avant de la scène. Ainsi s'affirme le passage progressif du matériel au spirituel par la magie de l'art.
L'inscription qui entoure le cadre insiste par ailleurs sur le don d'orateur de l'évangéliste, qui de sa «langue saincte prescha la mort de Jésus-Christ». Bizarrement, c'est au perroquet qu'il appartient de symboliser l'éloquence. Guy de Tervarent mentionne des perroquets volant autour du char de Mercure dans une composition astrologique représentant les enfants de ce Dieu.
Comme la pomme, le citron donné par l'ange à Jésus représente le fruit de l'arbre de la connaissance et fait allusion à la pomme d'or du Jardin des Hespérides. Aussi symbolise-t-il la Chute de l'homme, et, offert au Christ,sa mission de rédempteur .
Au cou de Jésus, le collier de corail rappelle la croyance aux vertus prophylactiques de ce minéral, que l'on faisait porter aux enfants pour écarter d'eux le mauvais sort. Le tableau de "Saint Luc peignant la Vierge" représente dans la carrière de Nicolas une étape importante, et révèle à la fois sa culture, ses limites et son originalité. Ce nordique reste fidèle à ses racines, comme le prouve sa propension à décrire les objets (mortier, palette, appuie-main, livres et vase) ou à en expliquer le fonctionnement, celui du chevalet par exemple. Le type de la Vierge et de l'Enfant vient du Nord et c'est à Heemskerck que Nicolas emprunte l'angelot de gauche, vraisemblablement issu de l'"Ecce Homo" conservé au Frans Hals Museum de Haarlem. Le peintre n'ignore pas pour autant Raphaël, dont il retient l'idée du geste de Marie tenant le petit pied de Jésus.
Marqué par l'art maniériste, Nicolas en garde les torsions, les drapés sophistiqués, les silhouettes aussi aiguës qu'instables, à contre-jour sur la verrière du fond, et le chromatisme acide de jaunes et de verts. Sans doute commet-il des maladresses. A la raideur du corps de l'Enfant s'ajoutent des fautes de proportions, et le peintre se représente lui-même avec des jambes trop courtes. Mais il a le don de la mise en scène et des rythmes fondés sur le parallélisme des obliques contrariées. Sa sensibilité fait de lui un portraitiste émouvant, tant avec l'effigie grave et véridique de la servante, à gauche, que dans sa propre image. On reconnaît en effet dans les traits de saint Luc le visage du peintre, déjà présent au premier plan de la "Mort de la Vierge", à Saint-Michel de Dijon. Mais après quinze années, les orbites sont plus creuses, le front plus dégarni, le regard plus inquiet.

(Notice de Marguerite Guillaume extraite du catalogue de l'exposition "La peinture en Bourgogne au XVIe siècle", Dijon, Musée des Beaux-Arts, 1990)

Dépôt de l'église de Moloy (Côte d'Or), 1961. L'oeuvre est classée au titre des monuments historiques depuis 1913.

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Bibliographie :

Exposition : © photo François Jay

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