collections du musée des beaux-arts de dijon

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Pleurant n° 32 du tombeau de Philippe le Hardi

Statuette

Auteur : Sluter, Claus

Date de création : 1404 / 1406

Auteur : Werve, Claus de

Date de création : 1406 / 1410


Albâtre
Hauteur : 40 cm
Inv. CA 1416 n° 32

Les pleurants sont bien sûr les éléments les plus célèbres des tombeaux des ducs de Bourgogne. Alors même que le goût du XVIIe ou du XVIIIe siècle ne poussait guère à admirer la sculpture gothique, on éprouve curiosité et admiration pour ces petits personnages, au point qu'ils seront parfois menacés par des mains indélicates. Jean-Philippe Gilquin, en 1736, le confirme non sans exagération : "Ces figures sont très bien travaillées et terminées avec beaucoup de soin et on les estimoit si fort que les curieux en enlevoient tous les jours quelques-unes, peut-être même auroit-on perdu dans la suite tous ces rares morceaux si par des grilles de fer qui sont encore aujourd'hui autour des tombeaux, les Chartreux n'avaient sçu se conserver les restes d'un si précieux ouvrage." Et après le remontage à Saint-Bénigne, le 12 janvier 1793, une femme faible d'esprit semble t-il, Marie Roger, "fut si charmée de voir les petites figures de marbre qui sont autour [...] qu'elle ne put résister à l'envie de s'en procurer un. Elle entra près d'un tombeau, en toucha une qui lui vint sur le champ à la main et l'emporta dans son tablier."
Les pleurants entrèrent au musée en 1799, parmi d'autres "monuments" rappelant le souvenir des ducs et de la Bourgogne médiévale. Ces pleurants donnèrent lieu par la suite, vers 1813, à une bien étrange mise en scène : "une société d'amateurs des Beaux-Arts à la tête desquels étaient MM Hoin, conservateur du musée, et Delaloge a fait réparer par M. Donjon, sculpteur en bois, et placer sur un socle construit à cet effet le fragment de monument appelé la Chaise. Plusieurs statuettes des religieux pleureurs dépendant des tombeaux des ducs sont exposés sur la table de ce socle décoré de cette inscription en caractères gothiques : "A la mémoire des ducs et duchesses de Bourgogne". Ce monument a subsisté dans cet état jusqu'au moment où les pleureurs ont été employés au rétablissement des tombeaux de Philippe le Hardi et Jean sans Peur." Les pleurants n'ont plus cessé d'être objets d'émerveillement depuis leur retour sous les arcatures des tombeaux : Stendhal et Victor Hugo ont compté parmi leurs admirateurs.
Le thème des pleurants, présent dans l'art funéraire depuis le XIIIe siècle, est en effet complétement renouvelé par les figures qui circulent sous les arcatures de marbre doré du tombeau de Philippe le Hardi. Dans une étonnante diversité d'attitude, chacun est une expression individuelle de deuil : certains sont tournés vers leurs compagnons, esquissent un geste de consolation tandis que d'autres sont repliés sur eux-mêmes dans leur méditation et leur prière. Les drapés, manteau se repliant en larges chutes de plis ou vêtement retombant verticalement, sont d'une incroyable variété. Les détails des costumes, bords de manches fourrées, petits boutons, ceintures, chapeaux, ou éléments de costumes ecclésiatiques séculiers ou réguliers, comme les accessoires, livres, bourses, chapelets, sont décrits avec un évident bonheur de narration.
En raison de la fascination qu'ils exercent, les pleurants constituent presque un chapitre à part entière dans l'histoire des tombeaux des ducs de Bourgogne et ont suscité une abondante bibliographie entre les années 1890 et 1960, principalement consacrée à retrouver la piste des pleurants manquant sous les arcatures conservées au musée de Dijon. La présentation conjointe d'une sélection des pleurants de Dijon, de ceux de Cleveland et du dernier encore en collection particulière invite à en rendre compte ici.
Après la destruction des tombeaux, en1793, un texte de septembre 1794 qui inventorie les éléments subsistants des tombeaux alors entreposés dans l'ancien palais abbatial de Saint-Bénigne dénombre 70 pleurants, dont 2 petits. Il faut rappeler ici que pour 40 emplacements à chaque tombeau, il y a 42 statuettes, les deux premières étant, sous la même niche, un couple d'enfants de choeur. Ces 70 pleurants seront présentés au Museum, ouvert en 1799, comme des "monuments" du temps des ducs.
A cette date, il manquait donc dix pleurants et deux enfants de choeur. Ces pleurants passèrent chez l'antiquaire dijonnais Bertholomey, puis dans des collections d'amateurs. L'érudit Louis-Bénigne Baudot en a eu trois en main : il donnera le numéro 17 à son neveu Perret : celui-là est toujours resté chez ses descendants. Il vendra en 1823 les deux autres à un M.de Saint-Thomas. Lors de la préparation de la restauration des tombeaux, Saint-Père et Févret de Saint-Mémin étaient parvenus à localiser certains d'entre eux, mais Saint-Père ne put acheter que les deux de M. de Saint-Thomas. En revanche, on perd alors la trace du petit couple d'enfants de choeur signalé en 1794.Saint-Père fit donc refaire dix pleurants par Joseph Moreau. Celui-ci s'inspira des pleurants originaux pour six d'entre eux ou créa des figures orinales à l'effigie des restaurateurs des tombeaux. Févret de Saint-Mémin, en "Pleurant tenant un dizain", Joseph Moreau, en "Pleurant portant le doigt à l'oreille", se fondaient assez bien parmi les originaux. Marion de Semur, en "Pleurant tenant un dais", était dans la tradition des figures de donateurs médiévaux portant la maquette de leur église. Mais Claude Saint-Père, en "Pleurant tenant un compas", vêtu d'un manteau boutonné sous le drapé de deuil, détonnait plus franchement. Autre défaut, faute de s'appuyer sur d'autres documents que les gravures de Plancher, l'ordre des pleurants est alors arbitraire dans les galeries.
En 1876, quatre pleurants réapparurent dans le commerce de l'art, chez un M.Legay à Nancy, à qui ils avaient été vendus ou déposés par la famille de Broissia. Le conservateur Emile Gleize alerta aussitôt le maire de Dijon, mais aucune suite ne fut donnée à ses demandes répétées : passés dans diverses collections, ils ont quitté la France en 1921 : ce sont ceux du musée de Cleveland.
Avec la découverte, en 1892, des dessins de Gilquin conservés à la Bibliothèque nationale, on se rendit compte que l'ordre des pleurants était inexact : celui-ci fut rétabli en 1932. C'est dans les années 1890-1960 que l'on chercha à repérer les pleurants manquants chez les collectionneurs ou dans des musées. C'est grâce à ce travail que Pierre Quarré, conservateur du musée, put obtenir en 1945 le retour de pleurants qui appartenaient au Louvre, au musée de Cluny et à un collectionneur anglais, Percy Moore. Huit pleurants n'ont pu retrouver leur place : les quatre du musée de Cleveland et celui de la collection Perret sont représentés à Dijon par des moulages. Le couple d'enfants de choeur de Philippe le Hardi n'a plus été vu depuis 1793, et l'espergeant du tombeau de Jean sans Peur, pourtant repéré dans la famille de Vesvrotte dans les année 1820, est aussi présumé disparu.

(Notice de Sophie Jugie extraite de « L'Art à la cour de Bourgogne : Le mécénat de Philippe le Hardi et de Jean sans Peur (1364-1419) », Dijon : Musée des Beaux-Arts, 28 mai - 15 septembre 2004, Cleveland : The Cleveland Museum of Art, 24 octobre 2004 - 9 janvier 2005)

Historique : Collection Chartreuse de Champmol, Dijon ; Collection Dijon, cathédrale Saint-Bénigne

Attribution du Conseil Général de la Côte d'Or, 1827. L'oeuvre est classée au titre des monuments historiques depuis 1862.

Oeuvres en lien :

CA 1416 Tombeau de Philippe le Hardi

2012-2-2-30 Planche 30 : pleurant n° 32

Bibliographie :

Exposition : © photo François Jay

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