collections du musée des beaux-arts de dijon

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Le Sacrifice d'Iphigénie

Tableau
vers 1632 / 1633
Auteur : Perrier, François

Peinture à l'huile sur toile
Hauteur : 212,7 cm ; Largeur : 154,5 cm
Inv. 4931

Judicieusement acquis par le musée il y a une vingtaine d'années (peu après "La Peste d'Athènes"), ce tableau constitue un rare témoignage de l'art de Perrier durant son premier séjour parisien. Le thème du "Sacrifice d'Iphigénie", largement répandu au XVIIe siècle, était souvent utilisé pour des tableaux en dessus de cheminée à cause de l'autel, du feu allumé et du nuage de fumée (cf. le thème, lui aussi très fréquent à l'époque, de "Vénus dans la forge de Vulcain"). Plusieurs auteurs classiques - Eschyle (Agamemnon), Euripide (Iphigénie à Aulis), Ovide (Métamorphoses, XII, v. 1-38) - ont relaté cet épisode tragique, prélude à la guerre de Troie. La scène se passe à Aulis sur la côte de Béotie. La flotte des Grecs est immobilisée par suite d'un vent défavorable envoyé par la déesse Diane. Les devins conseillent le sacrifice d'Iphigénie, fille d'Agamemnon. Celui-ci l'envoie chercher à Mycènes, prétextant son mariage avec Achille. Perrier a choisi de représenter le moment précis où le roi donne l'ordre au bourreau (qui chauffe déjà la lame du couteau) d'immoler sa victime. La reine Clytemnestre, agenouillée au pied de l'autel, implore le ciel de sauver Iphigénie. C'est alors que Diane, prenant la jeune fille en pitié, lui substitue une biche dans une nuée.
L'interprétation du sacrifice que donne Perrier est proche de celle d'Euripide (v. 1395 et suiv.) qui souligne non seulement l'acceptation et le courage d'Iphigénie, mais aussi la lâcheté de son père contraint de céder à l'ardeur belliqueuse des Grecs (v. 1258-1275) (cf. dans le fond du tableau, le casque, le panache, les pics...).
Le tableau constitue une brillante synthèse entre le grand art "baroque" de Lanfranco et le lyrisme de Simon Vouet : formes amples et massives, palette colorée et sensuelle avec, ici, la grande tache safranée et le noeud vermillon de la robe d'Iphigénie (cf. la belle étude du Louvre que l'on conserve pour cette dernière figure).
L'insistance sur les musculatures masculines, ou sur certains détails anatomiques (à la limite de la caricature) comme la poitrine d'Iphigénie, est bien caractéristique de l'art de Perrier.
L'artiste habitué à la vastité des grands décors romains privilégie avant tout l'effet d'ensemble sans se soucier du détail ; de là, la facture plus "lâchée" de certains morceaux et l'incertitude qui demeure dans la définition de l'espace : les figures comme "entassées" sur le côté droit du tableau, l'utilisation bien commode de la figure de l'homme en repoussoir à gauche... On notera encore que le futur graveur des "Icônes et segmenta" (1645) se montre bien peu soucieux de vérité archéologique comme en témoignent les objets rituels ou le grand autel de pierre, d'un bel effet décoratif. Certaines têtes viriles avec leur chevelure et leur barbe abondantes, véritable signature de Perrier, reviennent d'un tableau à l'autre tout au long de sa carrière.
On peut situer le tableau immédiatement après les décors pour Chilly (où, selon Félibien, Perrier travailla "d'après les desseins de Vouet"), soit vers 1632-1633 ; on retrouve la même rhétorique puissante dans toute une série d'oeuvres qui appartiennent à la même période : "Saint Roch priant pour les pestiférés" (perdu mais gravé) ; "Crucifixion à la Vierge pâmée" (1633, gravé) ; "Dédale et Icare" (Galerie Aldecoa) ou encore "Scène de sacrifice" (marché de l'art).
"Le Sacrifice d'Iphigénie", malgré ses évidentes qualités, nous apparaît aujourd'hui un peu trop virtuose et grandiloquent. Il lui manque cette grâce, cette fluidité des formes que l'on admire sans réserve chez Simon Vouet. Conscient des limites d'un style trop vite appris au contact du maître, Perrier devait retourner à Rome en 1635 et se consacrer à l'étude des belles statues antiques et de Raphaël.

(Notice de Michel Hilaire extraite du catalogue de l'exposition "Grand Siècle : Peintures françaises du XVIIe siècle dans les collections publiques françaises", Montréal, Musée des Beaux-Arts, Rennes, Musée des Beaux-Arts, Montpellier, Musée Fabre, 1993)

Achat, 1971

Bibliographie :

Exposition : © photo Hugo Martens

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