collections du musée des beaux-arts de dijon

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Albarello

Vase

Toscane (?), Faenza (?), vers 1480
Auteur : Anonyme italien

faïence de grand feu, décor polychrome
Hauteur : 31 cm ; Diamètre de la panse : 18,5 cm
Inv. G 260

Albarello à deux anses. L'albarello est un vase de pharmacie en forme de cylindre. Les parois en sont incurvées, de façon à pouvoir saisir facilement l'un des vases alignés sur les étagères. Lorsqu'il y a des anses, elles sont généralement torsadées, mais rarement agrémentées d'un petit élément surajouté comme ici le papillon bicolore. L'émail est maigre et encore grisâtre. Les chiens sont dessinés en bleu foncé et modelés en bleu clair. Le jaune et le bleu se partagent les éléments du décor. Le violet de manganèse intervient sur les anses. Un vieux rouge colore la langue du chien. L'emploi du rouge est exceptionnel dans l'art de la majolique. Le potier Piccolpasso, en 1548, rapporte que ce rouge de grand feu, tiré du "bol arménien", était utilisé dans l'atelier de Virgiliotto Calamelli. Mais il était déjà connu dans le dernier quart du XVe siècle à Montelupo, d'où étaient originaires les frères Fattorini, fondateurs de la fabrique médicéenne de Cafaggiolo, à Deruta, et à Faenza où le Maître de la Résurrection l'employait en petite quantité car il résistait mal aux fortes températures de la cuisson.
Le type de décor, sans indication d'espace, est propre à la production faentine et florentine de la fin du XVe siècle, encore sous l'influence d'un répertoire orientalisant. Les fleurs à cinq ou six pétales ronds, prises dans les enroulements des rinceaux, étaient un motif courant à Valence-Manises dès la première moitié du siècle. Les albarelli sont décorés sur une face ou sur les deux, d'un motif, animal, fleur, écu, personnage, sur un fond en réserve de forme irrégulière suivant approximativement la silhouette et doublé d'un large cerne bleu clair. Des groupes de trois petits points meublent le fond de façon caractéristique, un graphisme léger de tiges et fleurettes remplit les angles, tandis que des serpentins typiques ornent l'épaule et le col du vase.
Les chiens à la silhouette élégante, l'un dressé sur les pattes arrières comme prêt à l'attaque, la tête levée, le cou entouré d'un collier, et l'autre aux oreilles rondes, retombantes, semblant écouter son maître, appartiennent à deux races de chiens de chasse. Le premier se rapproche du lévrier que l'on voit sur les tapisseries ou les miniatures lors de l'évocation des banquets ou des cavalcades qui agrémentent la vie quotidienne dans les cours princières du XVe siècle. Les deux types de chiens sont pareils à ceux des enluminures du "Livre de la chasse" de Gaston Phoebus comte de Foix, écrit en 1387, et apparaissent généralement ensemble dans une même scène ; cet ouvrage de vénerie fit l'objet d'une certaine diffusion, car on en connaît une quarantaine d'exemplaires enluminés. Une estampe réunit également les deux chiens, dont l'un est dessiné dans une attitude voisine : il s'agit d'une gravure sur métal exécutée en Artois vers 1445, "L'Annonciation à la Licorne". Le modèle des chiens ne provient pas nécessairement d'estampes : ceux qui y figurent sont plus lourds et plus sommaires que sur les cartes à jouer ou les nielles. Ils s'inscrivent dans le courant oriental des représentations animales transmises par l'art des céramistes.
Des albarelli de forme analogue, aux anses torsadées et au décor apparenté ne sont pas rares. Ils sont généralement attribués à Faenza, comme celui du Louvre ou du Bargello, comme l'est un albarello sans anses décoré d'un chien courant très proche de celui de Dijon. La particularité de papillons rapportés trouve un équivalent dans un vase de Faenza à Londres, et dans un albarello de Faenza à Sèvres, dont les anses s'ornent d'un mascaron en relief. Le chien au collier, dans une attitude un peu différente, apparaît sur les premières majoliques italiennes du XVe siècle, par exemple sur des carreaux de pavement d'une chapelle de Naples, sur un grand plat florentin à Sèvres, un plat et une cruche du Louvre.
Les majoliques de style orientalisant, aux décors encore marqués par leurs origines, succèdent au type archaïque à décor vert et violet des faïences méditerranéennes du XIVe siècle dont on peut voir encore aujourd'hui des exemples dans les "bacini". L'un de ces bassins, encastré dans le mur de l'église Sainte-Cécile à Pise, est orné d'une réserve à contour irrégulier doublant celui d'un oiseau, lointain modèle de la majolique de Dijon.
Le motif orientalisant, l'émail encore peu chargé d'étain, la palette réduite, caractérisent les majoliques de style "sévère" ou "gothico-floral" fabriquées à Florence et Montelupo en Toscane, à Faenza en Emilie, à la fin du XVe siècle. Le dessin bleu foncé, l'accord du jaune et des bleus, se rapprochent davantage des oeuvres sorties des ateliers de Faenza que de ceux de Florence où l'argile est plus grise. Faenza est considéré actuellement comme le centre où sont nées la plupart des formes nouvelles de décor élaborées pendant la Renaissance. Les fouilles qui se multiplient, conduisent à nuancer cette opinion, par la découverte de formes analogues dans différents centres encore peu connus. C'est ainsi que des éléments comparables fournis par des tessons qui utilisent le même répertoire décoratif de pointillés ou de vrilles, à Pesaro, remettent en question l'attribution traditionnelle à Faenza.

(Notice de Claudie Barral extraite de "Faïences italiennes. Catalogue raisonné du Musée des Beaux-Arts de Dijon", Dijon, 1987)

Historique : Collection Henri et Sophie Grangier

Legs Henri et Sophie Grangier, 1905

Bibliographie : © photo François Jay

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