collections du musée des beaux-arts de dijon

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La Sainte Famille en marche

Tableau
vers 1660
Auteur : Tassel, Jean

Peinture à l'huile sur toile
Hauteur : 104 cm ; Largeur : 82 cm
Inv. 2004-1-1

Jean Tassel est, avec Philippe Quantin, l’une des figures les plus marquantes de la peinture bourguignonne du deuxième tiers du XVIIe siècle. Né à Langres en 1608, il appartient à une famille de peintres de Langres : son grand-père Pierre (né vers 1521) et son père Richard (1580-1660) sont établis dans cette ville et Richard y eut aussi une activité d’architecte comme « maître des réparations et des fortifications ». Formé selon toute vraisemblance dans l’atelier familial, Jean séjourna à Rome, où il est mentionné en 1634 dans un registre de la paroisse de Santa Maria del Popolo : on sait qu’il réalisa pendant ce séjour une copie réduite de la "Transfiguration" de Raphaël. Sa peinture fut incontestablement marquée par ce séjour romain, même s’il est difficile de reconstituer avec quels artistes il fut réellement en contact. L’usage du luminisme, et certains sujets (comme "La Diseuse de bonne aventure"), témoignent qu’il fut sensible aux leçons du Caravage. Pourtant, c’est des Bolonais qu’il apprit l’élégance de ses compositions et le raffinement de ses gammes chromatiques. Il établit sans doute aussi des relations avec les nombreux peintres français, flamands et hollandais alors attirés par l’actif milieu romain.
Un document prouve sa présence à Avignon en 1636. Il est à Langres en 1647 où il épouse Simone Contet. Il passa la plus grande partie de sa vie dans cette ville, où il eut des fonctions municipales et où il mourut en 1667. L’évolution de son style montre que Tassel se tint au courant des nouveautés du milieu artistique parisien : l’influence de Simon Vouet et de Laurent La Hyre, par exemple, est évidente. Une tradition voudrait que Le Brun ait proposé à Tassel de collaborer avec lui aux grandes décorations commandées par Louis XIV : Tassel aurait préféré rester à Langres. Ne possédant pas le talent qui lui aurait permis de s’imposer à Paris, Tassel est en effet caractéristique d’un artiste provincial, assimilant les courants italiens, flamands ou parisiens, puisant parfois l’inspiration de ses compositions dans des gravures, mais élaborant, grâce au recul qu’il peut conserver par rapport à ces modèles, un style personnel bien identifiable, chez lui non exempt de certaines faiblesses mais incontestablement savant et emprunt de beaucoup de grâce et de poésie.
Comme celui de Richard Tassel, l’atelier de Jean Tassel fut actif non seulement à Langres, mais aussi très largement dans le diocèse de Langres et même au-delà. Les commandes furent particulièrement nombreuses à Dijon pendant près d’un demi-siècle, comme en témoignent les oeuvres de Richard, puis de Jean Tassel qui ont été saisies à la Révolution dans les communautés religieuses. Un ensemble particulièrement important de tableaux fut réalisé par Jean Tassel pour le couvent des Ursulines de Dijon, fondé par Catherine de Montholon, conformément à un marché de 1648, dont la plupart se trouvent actuellement au musée des Beaux-Arts de Dijon. Si le tableau ici présenté est, selon la tradition, de provenance dijonnaise, nous ignorons malheureusement si cette tradition est exacte et d’où il provient exactement.
La proximité de Tassel avec les ordres religieux issus de la Contre-Réforme (on le sait proche, non seulement des Ursulines, mais aussi des Oratoriens) permet de rendre compte de l’iconographie post-tridentine de beaucoup de ses toiles religieuses.
Jean Tassel a consacré de nombreux tableaux au thème de la Sainte Famille : le Docteur Ronot, dans sa monographie consacrée à l’artiste, dénombre quatre "Repos de la Sainte Famille", trois "Sainte Famille", et deux "Sainte Famille en marche".
Cet épisode correspond au moment où la Vierge et saint Joseph viennent de retrouver Jésus au Temple de Jérusalem, au milieu des docteurs, et repartent avec lui à Nazareth. Le thème a été assez souvent traité à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle. Le Docteur Ronot cite une gravure de Bolswert d’après Gérard Seghers (B.N.F, Estampes, Rc 36), proche de la composition de Tassel.
Les trois personnages sont situés dans un paysage qui se poursuit dans le lointain sur le côté droit du tableau. Ils se détachent sur un fond de nuages sombres qui s’ouvrent pour laisser un rayon de lumière dorée, où plane la colombe du Saint-Esprit, descendre vers Jésus. La Trinité céleste est ainsi reliée à la Trinité terrestre, selon un parallèle souvent développé par la Contre-Réforme catholique.
La Sainte Famille est effectivement en marche, les vêtements animés par le mouvement. La Vierge et saint Joseph, qui porte dans sa main gauche un bâton et une tige de lys, tiennent Jésus par les poignets. La tendresse qui unit les personnages est aussi marquée par le jeu des regards, qui décrit finement leurs relations : tandis que Joseph regarde Jésus avec un soulagement mêlé de quelque incompréhension, la Vierge semble perdue dans ses pensées, comme habitée par le pressentiment, et Jésus la regarde avec gravité et compassion, témoin de cette intuition douloureuse.
Tassel a joué sur les couleurs, conventionnelles ou non, des vêtements des personnages, pour construire une délicate harmonie colorée. Les tons forts des vêtements de la Vierge, robe rouge et manteau bleu, s’opposent à la délicatesse de ceux de Jésus, vêtu d’une longue robe gris clair et d’un manteau jaune clair, et aux couleurs plus sourdes de ceux de Joseph, en bleu et brun.
La fluidité de l’écriture et la finesse des couleurs correspondent à la manière de Tassel dans sa période de maturité des années 1655-1660.

(Notice de Sophie Jugie, 2004)

Historique : Collection Salvatore, Guillaume de ; Collection Docteur Henry Ronot

Legs du Docteur Henry Ronot, 2004

Bibliographie : © photo François Jay

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