collections du musée des beaux-arts de dijon

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Les Deux veuves d'un chef indien se disputant les honneurs du bûcher

Tableau

Rome , 1783
Auteur : Lagrenée, Louis-Jean-François

Peinture à l'huile sur toile
Hauteur : 325 cm ; Largeur : 422 cm
Inv. CA 345

Cette grande toile fut exécutée pour le roi sur l'ordre du comte d'Angiviller et payée 6000 livres (F. Engerand). C'est à Rome où il était directeur de l'Académie de France (1781-1787) que la peignit Lagrenée, mais elle fut exposée à paris, au Salon de 1783 (n° 2), où elle obtint un grand succès auprès des critiques. Elle passa ensuite aux Gobelins pour y être transcrite en tapisserie, mais le Jury des Arts la rejeta au cours de sa séance du 29 fructidor an II (15 septembre 1794), comme "présentant des idées atroces" (Archives de l'Art Français). Le même jury l'envoya à Versailles, au Musée Spécial de l'Ecole Française, au cours de sa séance du 17 ventose an VI (7 mars 1798)(Archives du Louvre Z 4). Le tableau fut donné au musée de Dijon en 1812.
La scène représentée dans ce tableau se réfère à une coutume que les auteurs de l'Antiquité rapportent souvent au sujet des peuples orientaux : celle des femmes qui se disputent les honneurs du bûcher de leur mari mort. Le premier à la raconter est sans doute Hérodote à propos des Thraces. Il s'agit toutefois ici d'un curieux épisode rapporté par Diodore de Sicile , que le livret du Salon de 1783 expose en détail : "Eumène, un des successeurs d'Alexandre, après une bataille contre Antigone, faisant ensevelir les morts, il se trouva parmi les corps celui d'un officier indien qui avait amené ses deux femmes. Il avait épousé l'une d'elles tout récemment. La loi du pays ne permettoit pas à une femme de survivre à son mari... ; mais la loi ne parlait que d'une seule femme et il s'en trouvait deux ; chacune prétendait devoir être préférée... ; on jugea en faveur de la seconde. La première se retira fort triste et baignée de larmes, déchirant ses habits et s'arrachant les cheveux ; l'autre, au contraire, parée de ses plus riches ornements, comme dans un jour de noces, s'avance avec gravité vers le lieu de la cérémonie où, placée sur le bûcher par la main de son propre frère, elle expira au milieu des acclamations et des regrets de tous les spectateurs". Le sujet est généralement mis en rapport avec la tragédie de Lemierre, "La Veuve de Malabar" (1770), qui remportait à l'époque un grand succès.
La scène, intégrée dans un paysage qui veut évoquer l'Orient, est composée de deux groupes de figures qui s'opposent : à gauche, la première femme s'enfuit sous le regard apaisant d'Eumène ; à droite, dans un jeu de clair-obscur théâtral, la scène essentielle : la seconde femme, accueillie par son frère, s'avance avec gravité vers le bûcher sur lequel gît le défunt, tandis que le prêtre invoque les Dieux. A l'arrière-plan est évoqué le contexte historique de la scène : le champ de bataille où les soldats d'Eumène ensevelissent les morts.
Cette composition recherchée montre un goût prononcé du peintre pour les effets théâtraux. Chaque personnage occupe la place qui lui revient, même l'esclave qui, au premier plan, se prépare à mettre le feu au bûcher. La facture, qui s'appuie sur un dessin très sûr, utilise des tonalités claires et douces qui ne sont pas sans rappeler l'art de Lesueur. Si le style se fait noble et sculptural et utilise des draperies à plis réduits et collants, s'inscrivant ainsi dans la veine du retour à l'antique, cette oeuvre de Lagrenée est cependant encore assez étrangère au goût néo-classique de l'époque et reste, somme toute, plus proche des leçons de Lemoyne que de la sévérité davidienne.

(Notice extraite de l'ouvrage d'Alain Roy, "Les Envois de l'Etat au Musée de Dijon (1803-1815)", Paris, 1980)

Historique : Collection Louis XVI ; Collection Les Gobelins, Paris ; Collection Musée spécial de l'École française, Versailles

Dépôt de l'État de 1812, transfert définitif de propriété à la Ville de Dijon, arrêté du Ministre de la Culture du 15 septembre 2010.

Inscriptions / marques :

Bibliographie :

Exposition : © photo François Jay

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