collections du musée des beaux-arts de dijon

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La Vierge et l'Enfant entre deux anges

Tondo

Auteur : Tommaso

Peinture à l'huile sur bois
Diamètre : 88 cm
Inv. CA T 27

Ce tondo, dont la paternité a longtemps oscillé entre des attributions génériques à l'école d'Andrea del Verrocchio ou à l'atelier de Lorenzo di Credi, illustre parfaitement le propos de la section dans laquelle il s'inscrit. Il s'agit en effet d'un tableau réalisé vraisemblablement au début du XVIe siècle par un assistant de Lorenzo, communément dénommé "Tommaso". Si la personnalité artistique de ce dernier tend aujourd'hui à être assimilée à celle de Giovanni di Benedetto Cianfanini, il est utile de rappeler qu'un tel rapprochement est le résultat d'un long processus historiographique.
La première tentative de réhabilitation de cet artiste alors méconnu est l'oeuvre de Giovanni Morelli qui, en 1890, pensa à un collaborateur de Lorenzo di Credi, initialement formé auprès de Sandro Botticelli. Il lui attribua un "corpus" d'une douzaine de tableaux. Quelques années plus tard, Bernard Berenson (1903) précisa qu'il ne fallait pas confondre l'énigmatique figure de "Tommaso" avec Tommaso di Stefano Lunetti, un des nombreux suiveurs de Lorenzo di Credi, et proposa, pour le premier, le nom de Giovanni Cianfanini. Au fil des années, d'autres noms de convention lui furent assignés, dont les plus usuels sont le Maître de la Madone Czartoryski et le Maître de la Sainte Conversation de Santo Spirito. Récemment, Gigetta Dalli Regoli (2007) est revenue sur la question de l'identification de cet habile "doppio di Lorenzo di Credi", dont les rapports avec Sandro et Lorenzo sont désormais avérés grâce à la découverte d'archives relatives à sa présence dans les deux ateliers florentins.
En outre, l'inscription que l'on peut lire dans le registre inférieur du panneau sous-tend une attribution peu convaincante à Andrea del Verrocchio. La qualité du tondo ne trouve pas de correspondances dans la mince production picturale d'Andrea, que les récents travaux de restauration menés à la National Gallery de Londres ont fait paraître sous un jour nouveau. Du point de vue de la fortune critique, il est essentiel de noter que l'invraisemblance de la signature et le caractère hétéroclite de cette oeuvre lui valurent l'étiquette de "médiocre copie" -voire de pastiche- de 1914 jusqu'en 1925, date à laquelle elle fut attribuée à l'atelier de Lorenzo di Credi, avant que Berenson (1932) ne l'inscrive dans le catalogue de "Tommaso". Ainsi, outre les problèmes de chronologie -le tableau ne peut en aucun cas dater des années 1470-, cette fausse signature, ajoutée à une époque inconnue, soulève des interrogations quant à la connaissance que l'usurpateur et sa clientèle potentielle pouvaient avoir de l'activité d'Andrea del Verrocchio et, globalement, de l'évolution de la peinture florentine au Quattrocento.
Enfin, l'examen attentif de ces glissements d'attribution permet d'affirmer la permanence de la tradition florentine -telle que l'avait enseignée et pratiquée Andrea del Verrocchio-, et de raffermir les liens qui unissaient le "maestro" Andrea et son élève Lorenzo, qui forma à son tour "Tommaso". En ce sens, reconsidérer la paternité du tableau signifie également rouvrir la parenthèse de l'organisation et des pratiques d'atelier dans la Florence du tournant des années 1500. Il apparaît ainsi que la spécialité de "Tommaso", au sein de la bottega, fut l'exécution de petits tableaux -et en particulier de tondi- destinés à la dévotion privée. L'oeuvre révèle une parenté évidente avec les modes de son maître. Dans ses détails, elle présente une réexploitation de différents motifs "piochés" ici et là dans la production de Lorenzo et de son atelier, tout comme un recyclage d'idées mises au point par "Tommaso" lui-même. La draperie de la Vierge est particulièrement intéressante car elle atteste une survivance du motif au sein de la bottega. Elle offre certaines affinités avec celle peinte par Lorenzo di Credi sur le retable de Pistoia (Duomo), lui-même fruit de la collaboration entre l'artiste et son maître Andrea del Verrocchio. "Tommaso" avait d'ailleurs repris cette composition dans une pala figurant la "Vierge et l'Enfant entre saint Matthieu et saint Jérôme" conservée dans l'église florentine de Santo Spirito. Ainsi, c'est à partir de ce motif que fut réalisée la draperie de Marie dans la "Sainte Conversation" de Lorenzo destinée à l'ancienne église du Cestello (aujourd'hui Paris, musée du Louvre, inv. 257). Le retable de Santo Spirito reprend donc deux oeuvres antérieures de Lorenzo di Credi : celle de Pistoia pour sa composition et celle du Cestello pour le manteau de la Vierge. La citation de la draperie dans la pala de Santo Spirito indique que certaines études préparatoires devaient être conservées dans l'atelier de Lorenzo, pour ensuite être réexploitées à loisir. Le drapé de Santo Spirito fut à son tour cité dans des oeuvres plus modestes comme les tondi de la "Vierge et l'Enfant avec le petit saint Jean-Baptiste" de Berlin (Gemäldegalerie, inv. 104) et d'Amsterdam (Rijksmuseum, inv. A 3012) ou des variantes avec deux anges (Moscou, musée Pouchkine, inv. 70, et Paris, musée du Petit Palais, inv. 2525).
Le visage de Marie peut également s'être inspiré d'une source graphique de Lorenzo comme les profondes analogies avec l'étude 1195 E de Florence (Galleria degli Uffizi, Gabinetto Disegni e Stampe) l'attestent. L'Enfant montre une variation sur le motif mis au point par Lorenzo di Credi dans le tondo de Rome (Galleria Borghese, inv. 433) et pour lequel l'artiste avait proposé une version redressée dans le "Mariage mystique" de Nîmes (musée des Beaux-Arts, inv. IP 256). La typologie des anges correspond parfaitement au langage de "Tommaso". Les figures y sont prises dans des attitudes théâtrales et maniérées à l'image de ce que l'on observe à de nombreuses reprises chez le peintre, par exemple, dans les oeuvres de Fécamp (palais de la Bénédictine) ou d'Avignon (musée du Petit Palais, inv. M.I. 600).

(Notice de Matteo Gianeselli et Valentina Hristova extraite du catalogue de l'exposition" Primitifs italiens. Le vrai, le faux, la fortune critique", Ajaccio : Palais Fesch-Musée des Beaux-Arts, 29 juin - 1er octobre 2012)

Historique : Collection Anthelme et Edma Trimolet

Legs Anthelme et Edma Trimolet, 1878

Inscriptions / marques :

Bibliographie :

Exposition : © photo François Jay

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