collections du musée des beaux-arts de dijon

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La mort de Caton d'Utique

Tableau
1687
Auteur : Corneille, Jean-Baptiste

Peinture à l'huile sur toile
Hauteur : 131 cm ; Largeur : 163 cm
Inv. CA 256

Caton, ardent défenseur des libertés républicaines, choisit de se donner la mort à Utique près de Carthage pour échapper à la tyrannie de César, victorieux à Thapsus (46 av. J.-C.).
Au lever du jour, après avoir relu le "Phédon" de Platon, "il dégaina son épée et se l'enfonça sous sa poitrine". Ses serviteurs et ses proches, accourus à la hâte, tentèrent de le sauver, mais en vain. "Dès que Caton revenant à lui, reprit connaissance, il repoussa le médecin et arracha de ses mains ses entrailles en rouvrant la blessure ; il expira". Cette mort exemplaire racontée par Plutarque ("Vie de Caton d'Utique", chap. LXXXIX) fut souvent abordée par les peintres au XVIIe siècle, de Ribera (à quatre reprises), à Le Brun (Musée d'Arras) et Luca Giordano (Musée du Havre). Mais c'est surtout dans le foyer romain du milieu du siècle qui connaissait alors un intense revival des idées stoïciennes (grâce à la diffusion des auteurs anciens - Valère-Maxime, Diogène Laërce - et aussi de Justus Lipsius...) que le thème trouva ses meilleurs et plus sûrs interprètes : Poussin dans un dessin à la plume (Windsor Castle, The Royal Library, cf. Blunt, 1966, pp. 163-164, fig. 145) jamais traduit en peinture, et surtout Pietro Testa avec sa belle gravure de 1648, qui constitue une sorte de testament de l'artiste qui devait se donner la mort peu après (cf. Cropper, in cat. exp. Philadelphie, 1988, n° 116).
Corneille a indubitablement connu cette gravure : dans les deux cas on retrouve la même disposition en frise des personnages, le contre-jour de la figure en premier plan, la lourde tenture, l'éclairage artificiel et jusqu'au détail des tablettes couvertes de figures géométriques au pied du lit, qui en tombant (toujours selon Plutarque) alertèrent les serviteurs. Mais la haute leçon morale de courage ("exemplum fortitudinis") et de grandeur d'âme qu'offrait la gravure de Testa a été détournée au profit d'une pantomime théâtrale et excessive : le visage larmoyant du philosophe et l'abdomen mutilé paraissent bien peu convaincants.
L'artiste se laisse aller à son "beau feu" en multipliant les gestes frappants et insolites : la main spectrale de l'homme en bleu, enturbanné, au premier plan, le visage à demi éclairé du serviteur noir, ou encore la figure à gauche les bras levés telle les Erinyes du théâtre antique... A l'architecture "dorique" de la gravure qui sous-tendait la noblesse du discours, Corneille oppose un décor baroque et compliqué, traversé d'ombres menaçantes. Comme on est loin ici du souci de convenance, de l'économie chers à Poussin que l'artiste n'a pourtant pas manqué de consulter (cf. les "Sacrements", Chantelou), comme suffirait à le prouver le détail du mobilier "all'antica" (guéridon, lampe à huile...).
Dans l'ensemble, l'exécution hâtive et fiévreuse, les recherches luministes, la palette vive et contrastée avec de beaux rouges sonores, un certain romantisme aussi (voyez la lune que l'on aperçoit à travers l'oculus de la porte au fond à droite), trahissent une personnalité riche et complexe (Mariette dira de son oncle qu'il "était né avec du génie"), impatiente (comme tant d'artistes de sa génération) de secouer le joug des strictes disciplines académiques.

(Notice de Michel Hilaire extraite du catalogue de l'exposition "Grand Siècle : Peintures françaises du XVIIe siècle dans les collections publiques françaises", Montréal, Musée des Beaux-Arts, Rennes, Musée des Beaux-Arts, Montpellier, Musée Fabre, 1993)

Historique : Collection Charles-Balthazar Févret de Saint-Mémin

Saisie révolutionnaire, collection Févret de Saint-Mémin à Dijon, 1792

Inscriptions / marques :

Bibliographie :

Exposition : © photo François Jay

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